"notre monde est devenu trop petit pour eux"

Dans un pays sans eau que faire de la soif?
De la fierté si le peuple en est capable
Henri Michaux













Ils sont tombés du ciel avec armes et bagages.
Ils ont atterri sur le trottoir de la Goutte d'or, en grande tenue. Visage complètement voilé de leur cheich, blanc ou bleu, gris-gris au cou, sandales de cuir et pantalons brodés.
Princiers.
Ils étaient quatre, comme les rois-mages, autour d'une table de métal, entourés de leurs bagages -gros sacs ventrus, valises, et même cartables d'écolier.
Je les ai salués, comme il convient de saluer des étrangers qui arrivent dans votre royaume. Le lendemain, ils étaient encore là. Plus de bagages, et pour toutes armes, une théière et des verres minuscules, du thé et un pain de sucre.
C'est comme ça que je les ai rencontrés - Nassamou, Banwo, Haibala  et Doula.
Ils venaient, ils viennent de l'est du Niger, quelque part au milieu du désert du Ténéré. C'est là qu'ils vivent, bergers avec leurs troupeaux, vaches et chèvres. Avec leurs femmes et leurs enfants. Avec leurs tentes. Mais, guerre, sécheresse, réduction des territoires, le monde nomade est trop grand, et notre monde est devenu trop petit pour eux. Alors ils ont choisi de se sédentariser, de construire une école pour leurs enfants, une infirmerie, des maisons, un puits, seulement pour tout cela il faut de l'argent, ils sont donc venus en chercher au pays de l'argent : L'Europe. Ils ont accueilli chez eux des touristes, venus de Belgique, de Suisse, de France. Aujourd'hui c'est eux qui viennent. Vendre des bijoux touaregs, chercher des subventions pour faire tourner l'école, construire un dispensaire, un puits, acheter une voiture...
Je ne comprends pas tout le premier jour.
Juste qu'ils ont besoin de vendre leurs bijoux, de rencontrer des gens qui connaissent mieux que moi le fonctionnement des associations et des subventions, et aussi d'être logés ici en France, à Paris. Nous faisons ensemble le tour de la Goutte d'or, je leur présente quelques lieux suscpetibles de les accueillir, ou de les aider, la boutique de Kiné à l'Olympic, celle d'Isabelle Cherchevsky, le Cargo, et avant de partir, je leur laisse mes clés.
A mon retour je les croise à nouveau avant qu'ils ne reprennent l'avion pour Niamey. Claudine leur a trouvé une place pour vendre des bijoux à la fête de l'humanité. Chaque bijou vendu est un peu d'avenir.
Il ne reste plus qu'à créer une association pour que survivent la beauté, la fierté, la générosité et l'espace qui les habitent.

Marie-Florence Ehret, membre fondatrice de Yaadal.